Mirline PIERRE

Mimola d’Antoine Innocent disponible en poche

En 1906, Antoine Innocent publia Mimola, le premier roman qui lève le voile sur le vaudou. Ce récit profondément ancré dans les mœurs haïtiennes ou paysannes a sonné le glas du roman urbain qui mettait en scène la petite bourgeoisie haïtienne pour se consacrer aux croyances et les manières de vivre et de penser des gens de moyennes conditions. En se focalisant exclusivement sur les valeurs et les croyances de cette catégorie sociale particulière, Innocent fait le lien de la période classique –le post-classique précisément – et la période indigéniste appelée aussi culturo-nationaliste (1915-1957). Mimola, est, à cet effet, une œuvre de transition. C’est le premier roman indigéniste haïtien.

Innocent est le premier romancier à avoir abordé le vaudou dans son œuvre –ce qui fait de lui un pionnier – longtemps perçu comme une boîte de Pandore. Mimola est de ce point de vue, un texte fondateur pour avoir ouvert la voie au roman indigéniste voire rural et paysan.

Quoique décrit par la plupart des critiques littéraires de la génération de Pompilus comme un romancier national au même titre que Marcelin, Hibbert, et Lhérisson, Innocent semble bien se démarquer de ses contemporains en traitant un sujet pas du tout à la mode à l’époque. Il est plutôt un indigéniste avant la lettre, un éclaireur qui a tracé la voie à ses successeurs dont Jean-Price Mars le maître à penser du mouvement. Pour Joubert Satyre, il l’auteur « du premier roman ethnographique haïtien ».

Ayant fait l’objet de plusieurs rééditions en Haïti après sa parution, Mimola est aujourd’hui disponible au format poche chez LEGS ÉDITION. Le roman a été réédité en aout 2019 dans la collection Classique avec des notes et commentaires en vue de faciliter la lecture et la compréhension de l’œuvre.

L’HISTOIRE

Tante Rosalie est une prêtresse vaudou née au Dahomey et jetée à Saint-Domingue comme esclave. Après l’indépendance, elle s’est établie au Bel-Air avec sa fille Julie devenue Mme Georges. Au soir de sa vie, elle confie à Julie une mission : celle de jeter à la mer une vieille malle contenant les objets de son culte aux dieux africains. Par cet acte, elle entendait ne pas perpétuer la tradition, donc renoncer à tout. Comme conséquence, la malédiction s’abat sur la famille. Georges, le mari de Julie mourra suivi de 6 de leurs 7 enfants. Lala, de son vrai nom Mimola, est atteinte d’un mal incurable. Désespérée, la mère entreprend un pèlerinage à Saut d’Eau le jour de la fête du Mont-Carmel pour implorer la Vierge en faveur de sa fille…

Mirline Pierre, M.A.


Appel à communication. Jacques Stephen Alexis. Legs et Littérature 18

L’Association Legs et Littérature (ALEL) lance un appel à contributions pour le 18e numéro de la revue Legs et Littérature, consacré à JACQUES STEPHEN  ALEXIS qui paraîtra en décembre 2021 chez LEGS ÉDITION sous la direction de Jean-Jacques CADET, Ulysse MENTOR et Michèle Duvivier PIERRE-LOUIS et grâce au précieux soutien de la Fondation connaissance et liberté (Fokal) et de l’Alliance Internationale des Éditeurs Indépendants (AIEI).

Argumentaire :  

Il a été constaté ces dernières années, tant en Haïti que sur la scène internationale, un regain d’intérêt pour la personne ainsi que l’œuvre de Jacques Stephen Alexis, figure emblématique de la littérature d’Haïti et de la Caraïbe. Tout à la fois, médecin, journaliste, romancier, essayiste et homme politique, ce natif des Gonaïves qui a débuté dans la littérature par un essai très remarqué sur le poète haïtien Hamilton Garoute[1] a laissé une œuvre inachevée[2] composée d’articles, d’essais, de contes (Romancero aux étoiles) et de romans qui n’ont cessé d’être l’objet de traductions et d’études sous formes de mémoires, de thèses de doctorat, d’essais et d’articles. En juin 2018, L’espace d’un cillement (1959) a été le premier lauréat du prix Jean d’Ormesson. En 2016, l’éditrice Laure Leroy des éditions Zulma a retrouvé la suite « inachevée » de ce roman qui sera publiée sous le titre L’Étoile Absinthe. Le premier roman de Jacques Stephen Alexis, Compère général soleil (1955), a été traduit en anglais par Carrol F. Coates en 1999 et en créole par Édenne Roc en 2018. L’intérêt pour l’œuvre d’Alexis se manifeste aussi par sa réception interne dans la littérature haïtienne comme c’est le cas chez Lyonel Trouillot qui a publié, en 2011, son roman intitulé La belle amour humaine en écho au texte du même titre[3] publié par Jacques Stephen Alexis en janvier 1957. Lui rendant hommage pour le prix Jean d’Ormesson, Dany Laferrière reconnaît que l’auteur de L’espace d’un cillement n’a jamais cessé de cheminer en lui. 

C’est ce même intérêt qui a porté la Direction Nationale du Livre (DNL)[4], à lancer, en 2016, un prix littéraire afin d’honorer l’intelligence littéraire et politique de cet écrivain dont la mort énigmatique, survenue en 1961, n’a jamais été attestée par un document officiel. C’est d’ailleurs ce qui justifie la décision du Bureau Haïtien du Droit d’Auteur (BHDA) de ne pas faire tomber les œuvres d’Alexis dans le domaine public en cette année 2021 qui marque le soixantième anniversaire de sa disparition, à tout juste une année de la commémoration du centenaire de sa naissance. 

Pour marquer ce double événement, l’Association Legs et Littérature (ALEL) lance cet appel à contributions invitant critiques littéraires et universitaires à réfléchir sur l’œuvre de cet écrivain, l’importance de son apport théorique aux études littéraires et le sens de son engagement politique. Auteur en relation[5], ses propositions théoriques sur le réalisme merveilleux et le genre romanesque gardent toutes leur pertinence pour aborder les fictions romanesques d’Haïti et du reste de la Caraïbe. Les articles qui seront proposés dans ce numéro spécial analyseront non seulement la constitution de sa poétique mais également le regard critique qu’il porte sur le genre romanesque, car Alexis est l’un des (rares?) écrivains à avoir porté un regard réflexif sur le genre littéraire qu’il pratique[6].

Les activités de mémoire de la dictature des Duvalier qui ont jalonné la dernière décennie n’ont pas manqué d’indiquer le sens et la portée du combat politique d’Alexis, combat commencé depuis la « Révolte de 1946 ». Il y a lieu de s’interroger sur la place à accorder à ses écrits politiques (Lettre à François Duvalier et Le marxisme, seul guide possible de la Révolution haïtienne) dans la compréhension de la poétique alexienne. Les luttes contemporaines contre les régimes autoritaires tant en Haïti qu’ailleurs ne pourraient-elles pas se ressourcer dans la praxis d’Alexis, martyr du régime duvaliérien ?

L’attitude réflexive éclaire également ses engagements idéologiques, prenant forme dans une lecture originale de la pensée marxiste. Dans Le marxisme, seul guide possible de la Révolution haïtienne, Alexis propose de relire Marx au regard de l’idéal de la Révolution de 1804, des thèses de Joseph Anténor Firmin et de Louis-Joseph Janvier. Adversaire du marxisme orthodoxe, il mobilise l’ethnologie pour saisir la singularité culturelle du peuple haïtien afin de lui proposer une pensée appropriée. Il y évoque les « tâches pratiques de la réalisation marxiste de la philosophie en Haïti »[7]. Il convient d’interroger la manière dont Alexis envisage ce rapport entre marxisme et philosophie dans les sociétés non occidentales. 

Son intérêt pour les questions féminine/féministe et environnementale renforce la nature hétérogène de sa pensée. Il a collaboré au journal féministe L’Escale, fondé par Yvonne Hakime, elle aussi victime du duvaliérisme. Beaucoup de ses personnages sont des femmes dont la situation sociale et économique s’avère précaire. Il propose une description réussie de l’écosystème haïtien dans Les arbres musiciens (1957) et accorde une place importante à la nature dans son système de « réalisme merveilleux des Haïtiens ». Quelle actualisation peut-on faire de l’engagement féministe et « écologiste » d’Alexis ?

Axes de recherche

Ce numéro de Legs et Littérature se propose de porter un (nouveau) regard sur la vie et l’œuvre de Jacques Stephen dans toute sa portée militante, politique, littéraire, philosophique et idéologique en comparaison au contexte historique qui l’a vue naître. Il invite à réfléchir sur le sens et la dimension de son engagement à la fois comme créateur, politique et médecin dans la lutte contre les inégalités, l’avènement d’une cité juste et équitable –et, par extension, d’un monde meilleur. À travers des réflexions proposant des analyses et des approches multidisciplinaires, les principaux axes et interrogations que ce numéro (se) propose d’explorer peuvent être communiqués comme suit, sans être exhaustifs :

  • Axe 1 : L’actualité de l’œuvre romanesque de Jacques Stephen Alexis : En quoi l’œuvre de Jacques Stephen Alexis fait-elle écho (encore) à la réalité haïtienne contemporaine ? Existe-t-il un moment Alexis dans la littérature haïtienne ? Pourquoi ce regain d’intérêt pour son œuvre ?
  • Axe 2 : La théorie du réalisme merveilleux : En quoi consiste le réalisme merveilleux d’Alexis ? Quels procédés utilise-t-il dans son œuvre pour la mettre en relief ? En quoi sa théorie a-t-elle influencé la production romanesque en Haïti et dans la Caraïbe ? A-t-elle contribué à porter un autre regard sur le genre romanesque ?
  • Axe 3 : La réflexion d’Alexis sur le genre romanesque : Peut-on parler d’un genre romanesque propre à Alexis ? Quelle charge accorde-t-il à la question linguistique ? Que propose-t-il en termes de procédés (linguistiques, littéraires, narratifs, descriptifs, esthétiques) pour le renouveau du genre romanesque ?
  • Axe 4 : Les engagements idéologico-politiques d’Alexis : Quel serait l’apport de ses engagements politiques sur le devenir politique d’Haïti ? Y a-t-il une pensée politique alexienne ? En quoi sa trajectoire a-t-elle influencé la pensée politique haïtienne ? Quel est son véritable rôle dans le mouvement de 1946 ?
  • Axe 5 : Les rapports d’Alexis avec Jacques Roumain et René Depestre : En quoi consiste le marxisme d’Alexis ? Comment interpréter ses relations avec les militants de sa génération dont Roumain et Depestre ? En quoi ses personnages évoquent-ils ses rapports avec ses contemporains ?
  • Axe 6 : Jacques Stephen Alexis et la question environnementale : Comment Alexis appréhende-t-il la question environnementale ? Quelle est sa position sur la biodiversité ? Quelle place lui accorde-t-il dans sa production littéraire ? Peut-on inscrire Alexis dans une forme d’écopoétique ?
  • Axe 7 : Jacques Stephen Alexis, la littérature et la médecine : Comment concilie-t-il littérature et médecine ? Comment met-il la littérature au service de la médecine et vice-versa ? Comment penser/panser l’humain frappé par la pathologie politique/dictatoriale ? Comment la littérature aide-t-elle à (se) guérir de la terreur dictatoriale ? Comment pense-t-il le rapport entre la science et la politique (science-policy) ?
  • Axe 8 : Jacques Stephen Alexis et la critique de l’ethnologie : Comment Alexis voit-il la question ethnologique ? Quelle est la place de la culture dans son œuvre ? Comment aborde-t-il la problématique du rural et de l’urbain ? Quelle est sa position sur les croyances populaires ? 
  • Axe 9 : Jacques Stephen Alexis et la question féminine/féministe : Alexis est-il (un) féministe ? Quelle (s) (re)présentation (s) propose-t-il de la figure féminine dans son œuvre ? Les personnages d’Alexis sont-ils sensibles à la cause des femmes ?

Protocole de présentation et de soumission des textes :

L’auteur devra envoyer sa proposition de contributions par courrier électronique en format Word tout en indiquant (1) son nom ou pseudonyme, le cas échéant, (2) son titre universitaire, (3) le titre du texte ou les premiers mots de chaque texte (4) sa notice biobibliographique ne dépassant pas 100 mots, (5) un résumé (Abstract) du texte ne dépassant pas 200 mots.

Longueur des textes :

– 4 000 à 6 000 mots pour les réflexions, les textes critiques portant sur une œuvre
littéraire.

– 1 000 à 1 200 mots pour les notes ou comptes rendus de lecture.

– 1 000 à 1 500 mots pour le (s) portrait (s) d’Alexis.

– 1 500 à 2 000 mots pour les entretiens avec des écrivains, critiques littéraires et
chercheurs.

– Poèmes ou nouvelles en français : maximum 5 pages ou 5 poèmes.

La police de caractères exigée est le Times New Roman, taille 12 points, à un interligne et demi, et une taille de 10 points pour les notes de bas de page, police de caractère, Calibri.

• Titre du texte : le titre doit être en gras avec les titres des œuvres en italique. S’il comporte deux parties, utilisez deux points au lieu du soulignement. Les titres de l’article et des paragraphes ne sont jamais suivis d’un appel de note.

Ex : Chauvet et Faulkner : cas d’intertextualité.

Les références : toute citation doit être associée à une note de bas de page. Les citations de moins de 5 lignes sont intégrées au texte et indiquées par des guillemets –sans italique. Allez à la ligne et utilisez l’alinéa pour les citations de plus de 5 lignes. Dans ce cas, il n’y a ni guillemets ni italique. Veuillez indiquer les références en bas de pages (Prénom, nom de l’auteur, titre du livre en italique, ville d’édition, éditeur, année de publication).

Ex : Marie Vieux-Chauvet, Fille d’Haïti, Paris, Zellige, 2014.

  • Les coupures à l’intérieur d’une citation sont signalées entre crochets droits […]. Si le début de la citation manque, le premier mot suivant les crochets est écrit en
    Les signes de ponctuation suivent les crochets.
  • Toute intervention dans une citation est signalée entre crochets droits [ ].

Bibliographie, Livres : Indiquer le nom de l’auteur (maj.), prénom (min.) suivi
du titre de l’ouvrage en italique, ville d’édition, éditeur, année de publication.

Ex : VIEUX-CHAUVET, Marie, Fille d’Haïti, Paris, Zellige, 2014.

S’il s’agit d’un livre publié plus d’une fois, il faut préciser l’édition consultée et l’année de la première publication mise entre crochets précédée du titre.

Ex : VIEUX-CHAUVET, Marie, Fille d’Haïti [1954], Paris, Zellige, 2014.

  • Titre cité dans la note précédente : Ibid., p.
  • Titre déjà cité : cit.
  • Quand il est nécessaire, utilisez cf., non pas voir.

Chapitre d’un livre : Nom de l’auteur (maj.), Prénom (min.), titre du chapitre (entre guillemet), titre de l’œuvre (italique), ville, édition, année de publication, pages consultées.Ex : GENETTE, Gérard, « Frontières du récit », Figures II, Paris, Seuil, 1969, pp. 49-69.

Article de revue : Nom de l’auteur (maj.), Prénom (min.), titre de l’article (entre guillemet), nom des directeurs du numéro, nom du magazine, journal ou revue (en italique), volume, numéro, année de publication, pages consultées.

Ex : LAHENS, Yanick, « Chauvet, Faulkner : cas d’intertextualité », Carolyn Shread, Wébert Charles (dir.), Revue Legs et Littérature 4, janvier 2015, pp. 65-82.

Date limite de soumission des propositions : 15 juin 2021

Date limite de soumission des articles : 15 septembre 2021 ; 23h 59 min 59 sec.

Envoyez vos articles avant le 15 septembre 2021 à legsedition@outlook.com et en copie ulyssementor@gmail.com ; cadet.jeanjacques@yahoo.fr et mpierrelouis@fokal.org

Bibliographie

Œuvres de Jacques Stephen Alexis 

ALEXIS, Jacques Stephen, Compère général soleil, Paris, Gallimard, 1955.

—, « Où va le roman ? », Paris, Présence africaine, avril-mai 1957.

—, Les arbres musiciens, Paris, Gallimard, 1957.

—, L’espace d’un cillement, Paris, Gallimard, 1959

—, Le marxisme, seul guide de la révolution haïtienne [1959], Port-au-Prince, CRESFED, 1959.

—, Romancero aux étoiles ; contes, Paris, Gallimard, 1960.

—, L’Étoile absinthe, Paris, Zulma, 2016.

—, « Du réalisme merveilleux des Haïtiens », Présence africaine, vol 1, no 165-166, 2002, pp. 91-112.

—, Lettre de Jacques Stephen Alexis à François Duvalier [1960], Port-au-Prince, CRESFED, 1990.  

Textes divers

ANGLADE, Georges, Le secret du dynamisme littéraire haïtien, Port-au-Prince, éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2010.

—, ANGLADE, Georges, Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis, Montréal,Plume et encre, 2007.

—, Mon pays d’Haïti, Port-au-Prince, Les éditions de l’action sociale, 1977.

ANTOINE, Yves, Sémiologie et personnage romanesque chez Jacques Stephen Alexis, Candiac, Balzac éditeur, 1994.

ARMAND, Valérie, Renouveau du sensuel dans L’espace d’un cillement de Jacques Stephen Alexis, Port-au-Prince, Henri Deschamps, 2005.

BATE, Jonathan, Romantic ecology. Wordsworth and the environmental tradition, London, Routledge, 1991. 

CADET, Jean-Jacques, Le marxisme haïtien. Marxisme et anticolonialisme en Haïti (1946-1986), Paris, Éditions Delga, 2020.

EUROPE, revue mensuelle, no 501, Jacques Stephen Alexis et la littérature haïtienne, 1971.

HOFFMANN, Léon-François, Littérature d’Haïti, Vanves, EDICEF, 1995.

INTERSECTIONS no 1, Jacques Stephen Alexis, Coopération pour l’éducation et la culture (CEC), 2013.

JEAN, Jonassaint, Le pouvoir des mots, les maux du pouvoir, Paris, éditions de l’Arcantère, 1986

—, Des romans de tradition haïtienne, Paris, l’Harmattan, 2002.

JEAN-CHARLES, Geroges J., Jacques Stephen Alexis : Romancier d’avant-garde de Compère Général Soleil, Cambridge, Trilingual Press, 2013.

LAROCHE, Maximilien, Le « Romancero aux étoiles » et l’œuvre romanesque de Jacques Stephen Alexis, Paris, Nathan, 1978.

LITTAFCAR, Jacques Stephen AlexisIntersections, no 1, 2014

LECONTE, Frantz-Antoine, En grandissant sous Duvalier : l’agonie d’un État-nation, Paris, l’Harmattan, 1999.

MANUEL, Robert, La lutte des femmes dans les romans de Jacques Stephen Alexis, Port-au-Prince, Henri Deschamps, 1980.

MATTHIEU J. Smith, Red and Black in Haiti: Radicalism, Conflict, and Political Change, 1934-1957, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2009.

NARCISSE, Jean-Pierre Richard, Autour de la disparition de Jacques Stephen Alexis, Montréal, CIDIHCA, 2016.

NDIAYE, Christiane, Introduction aux littératures francophones, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004.

PAUL, Jean-Hérold, La négritude à la limite. Esthétique et politique dans la Caraïbe. Paris, L’Harmattan, 2014. 

PONTE, Cécilia, Le réalisme merveilleux dans Les arbres musiciens de Jacques-Stephen Alexis, Montréal, GRELCA, 1987.

RAFFY-HIDEUX, Peggy, Les réalismes haïtiens contemporains, Paris, Honoré Champion, 2013.

SENGHOR, Léopold Sédar, Pour une relecture africaine de Marx et d’Engels, Dakar-Abidjan, Les Nouvelles éditions africaines, 1976.

SOUFFRANT, Claude, Une négritude socialiste, Paris, l’Harmattan, 1978.

—, Sociologie prospective d’Haïti. Essai, Montréal, CIDIHCA, 1995

SONNET, Michel, Jacques Stephen Alexis ou « Le voyage vers la lune de la belle amour humaine, ARCHEOPTERYX, Éditions Pierres Hérétiques, 1983.

TROUILLOT, Henock, L’intellectuel de couleur et les problèmes de la discrimination raciale, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1956.

Articles

KISUKIDI, Yala Nadia, « Négritude et philosophie », revue Rue Descartes vol. 4, no 4, 2014, pp. 1-10.

LOUIS-JUSTE, Anil, « Des ancêtres du communisme en Haïti », Alterpresse, 17 décembre 2004.

NICHOLLS, David, « Idéologies et mouvements populaires en Haïti, 1915-1946 », Annales, 1975, pp. 654-679.

PIERRE, Schallum, « Jacques Stephen Alexis polémiste », John Picard Byron (dir.), Production du savoir et construction sociale : l’ethnologie en Haïti, Québec/Port-au-Prince, Presses de l’Université Laval / Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2014, pp. 99-102.

RAPHAËL, Lucas, « L’esthétique de la dégradation dans la littérature haïtienne », Revue de littérature comparée, vol. 2 no 302, 2002, pp. 191-211.

TROUILLOT, Henock, « Deux concepts de la négritude en Haïti », Présence francophone, Sherbook, P.Q., 12, printemps 1976, pp. 183-194.

—, « Haïti ou la négritude avant la lettre ». Revue Éthiopiques, novembre 1976, numéro spécial.  

WEIN WEIBERT, Arthus, « Les relations internationales d’Haïti de 1957 à 1971. La politique étrangère de François Duvalier », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvini vol. 1, no 35, 2012, pp. 157-167.

Émissions, colloques et films 

NDIAYE, Christiane, « Le réalisme socialiste de Jacques-Stéphen Alexis : que faire du surnaturel ? », Dans le cadre de Repenser le réalisme. IIe Symposium de sociocritique. Colloque organisé par CRIST, le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes. Montréal, Université de Montréal, 12 décembre 2015. Document audio : [En ligne] sur le site de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain, 12 décembre 2015, 21min48s. Consulté le 11 décembre 2017.

[http://oic.uqam.ca/sites/oic.uqam.ca/files/audio/coll_20151212_c18_christianendiaye.mp3]       

LITTAFCAR (CEC), Quand des écrivains belges prennent Jacques Stephen Alexis au pied de la lettre, 24 mai 2012, 59min23s., Consulté le 07 janvier 2018.  

[https://www.youtube.com/watch?v=NgiwpOORHNk]   

PIERRE, Schallum, Rassoul Labuchin se souvient de Jacques Stephen Alexis, 30 juin 2014, 1h35min., Consulté le 7 janvier 2018. [https://www.youtube.com/watch?v=O76PhnRKVn8]   

Mémoire de master et Thèse de doctorat

JOSEPH, Ngangop, Jacques Roumain a-t-il influencé Jacques Stephen Alexis ?, Mémoire de Master, Yaoundé, Université de Dschang, 2014.

PIERRE, Schallum, Le réalisme merveilleux de Jacques Stephen Alexis : esthétique, éthique et pensée critique. Thèse de doctorat de philosophie, Laval, Université Laval, 2013.


[1] Jacques Stephen Alexis, « La lyre et l’épée : Témoignages sur Jets lucides », Les cahiers d’Haïti, vol. 3, no 3, octobre 1945, pp. 24-27.

[2] D’ailleurs, une bonne partie de cette œuvre est inédite, comme l’essai Chine miraculeuse et la pièce de théâtre Les dollars.

[3] Jacques Stephen Alexis, « La belle amour humaine », Les lettres françaises, 1957et repris dans un numéro spécial titré « Jacques Stephen Alexis et la littérature d’Haïti »de la revue Europe vol. 49, no 501, janvier 1971, pp. 20-27.

[4] Organisme public chargé de réguler le secteur du livre en Haïti.

[5] Les relations qu’avait entretenues Jacques Stephen Alexis étaient aussi nombreuses que l’ont été les organisations auxquelles il a appartenu.

[6] Jacques Stephen Alexis, « Où va le roman », (Débat autour des conditions d’un roman national chez les peuples noirs), Présence Africaine, no. 13, avril-mai 1957, pp. 81-101.

[7] Jacques Stephen Alexis, « Le marxisme, seul guide possible de la Révolution haïtienne » élaboré en 1959, Gérard Pierre-Charles (coord.), Présence de Jacques Stephen Alexis, Port-au-Prince, CRESFED, 1980.


Poétique de la sexualité. Legs et Littérature no 13

Poétique de la sexualité, telle est la thématique du treizième numéro de la revue Legs et Littérature paru en août 2019 sous la direction de Loudiyi Mourad et Ulysse Mentor. En 300 pages, ce volume a passé en revue la représentation de la sexualité, du corps –qu’il soit masculin ou féminin – dans la production littéraire francophone.   

L’idée de départ ou plutôt le prétexte de ce numéro est de traiter des enjeux, des problèmes, des tensions et contradictions qui se déploient sur la représentation de la sexualité normative ou déviante au sein de la littérature francophone, avec comme lieu commun la sexualité sujette à une conception occidentale du sexe, du corps, du genre, du plaisir charnel, de la pratique sexuelle, de la normalisation sexuelle… Les écrivains sont-ils libres de parler du corps ou de décrire les scènes sexuelles dans leurs œuvres ? Est-il encore, de nos jours, impudique de parler du corps, du sexe en littérature ? Qu’est-ce qui est considéré comme tabou et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Dans son éditorial intitulé « Pour une poétique (trans-gressée) du corps : de la sexualité comme intimités (im)parfaites », le docteur Loudiyi soulève la question : « La sexualité, tout comme l’érotisme, chez les auteurs contemporains, est-elle toujours considérée comme une valeur à même de transfigurer l’être, son entité et son existence ? ». Autant dire que ce ne devrait pas être un sujet qui étonne. L’homme étant un être sexué, il ne peut, en aucun cas, se passer du fait sexuel.

Composé de onze articles traitant de la question du sexe dans l’œuvre littéraire, d’un portrait et d’un entretien, de trois notes de lecture et cinq textes de création, le 13e numéro de Legs et Littérature est d’une richesse assez rare. Comme toujours, les textes publiés dans ce volume sont bien documentés tant les questions sont soulevées avec tact et profondeur. Les approches sont nouvelles, les réflexions très poussées. La sexualité, ou encore le rapport au corps comme objet, est étudiée sous différents angles. Dans son éditorial, le Dr Loudiyi se propose de voir les différentes acceptations ou appropriations du corps comme support de l’érotisme par les penseurs au fil des époques et le rapport qui en découle dans son rôle de transfiguration de l’être et son existence. Selon les propos du professeur, suivant les siècles et les cultures, « la littérature pense le sexe non pas comme une pléthore d’actes qui satisfont un besoin instinctif, pour ne pas dire animal, justifié par la nature des corps, mais un phénomène et un processus scripturaire, avec une profonde charge signifiante, comme le creuset où s’expriment des relations sociales et de possibilités physiques auxquelles sont allouées des notifications socialement arrangées ». À ce stade, la sexualité cumule toute une série de charges symboliques et culturelles. D’où « L’écriture du sexe, poursuit-il, est bien plus qu’une représentation des corps en fête et en défaite des syncopes du plaisir et des ravissements de l’amour ».

Entre transgression, homosexualité, désir (féminin), fantasme et pornographie, ce numéro de Legs et Littérature tente d’analyser comment des œuvres romanesques ont remis en cause, de façon avant-gardiste, les normes de sexe, de genre et de sexualité dans l’écriture de fiction.

Il est à rappeler que ce numéro a reçu le précieux support financier de la Fondation connaissance et liberté (Fokal) pour sa réalisation.

Les contributeurs de ce numéro : Anne-Laure Andevert, Jéléna Anctic, Tawfiq Beldadel, Daouda Coulibaly, Arnaud Delcorte, Claudy Delné, Marine Deregnoncourt, Marie-Josée Desvignes, Kokouvi Dzifa Galley, Umut Inescu, Mourad Loudiyi, Kesse Edmond N’Guetta, Khalil Ibrahim Oukhadda, Dieulermesson Petit-Frère, Éloïse Philippon, Carl-Henry Pierre, Fellahi Salma, Gomongo Nargawélé Silué, Marie Alice Théard, Lyonel Trouillot, Françoise Urban-Menninger, Guilioh Merlain Vokeng Ngnintedem


Les immortelles de Makenzy Orcel, un hommage aux prostituées

Makenzy Orcel est cet écrivain qui a su trouver sa voie, comme beaucoup d’autres, après la catastrophe majeure du 12 janvier 2010, en nous livrant ce roman aux mille cris sur la vie des belles de nuit de la Grand-Rue: Les immortelles.

Ce livre est probablement le premier à avoir évoqué la « chose » qui n’a de cesse de blesser notre âme, et aussi le premier à avoir donné la parole à cette catégorie sociale. Paru pour la première fois en 2011 aux Éditions Mémoire d’encrier au Canada, il a été réédité à deux reprises. D’abord, par les éditions Zulma en 2012 et récemment, soit en 2014, aux Éditions Points en France. Il raconte l’histoire de la rencontre d’un écrivain et d’une pute dans un bordel au bas de la ville. L’action se déroule à la Grand-Rue.

Dans l’un de ces bordels aux couleurs vives au cœur de la nuit, le « Christiannime hôtel ». Une prostituée est en pleine conversation avec un client. Elle ne sait pas qu’elle est en présence d’un écrivain. Aussitôt qu’elle l’a appris, elle lui demande d’écrire l’histoire de la petite Shakira enfouie sous les décombres. En échange, elle fera don de son corps. Surnommée la petite, Shakira est une jeune pute, âgée seulement de 12 ans, arrivée au bordel une nuit de grande averse. « Les immortelles » c’est non seulement l’histoire de la petite, mais aussi de toutes les putains du centre-ville de Port-au-Prince, coincées sous les décombres.

Un roman de corps à corps

Dans ce roman, sélectionné par le jury du prix Sade 2012, Makenzy Orcel donne la parole aux marchandes de plaisir, ces vendeuses de chair du bas de la ville. Un récit morcelé, à plusieurs voix, qui met en relief le quotidien de ces filles de joie de basse condition. Roman de corps à corps, il sent le sexe, la douleur, la misère et la mort. C’est, en quelque sorte, un hommage à toutes les prostituées du monde entier, ces anonymes ou ces oubliées de la société. Par son action, la prostituée a voulu immortaliser la petite Shakira et toutes les autres putes qui mènent la vie dure au centre-ville, et attirer le regard sur le genre de vie qu’elles mènent pour gagner le primum vivere.

Même si Orcel ne parle pas forcément [que] de sexe, de mort, il fait de Les immortelles une œuvre de grande solidarité humaine.

Mirline Pierre


Les failles de Yanick Lahens

L’année 2010 laisse énormément de mauvais souvenirs dans notre vie. Et tant de douleurs qui restent graver dans nos cœurs et notre mémoire comme de l’encre indélébile sur du papier blanc. Ainsi, le mois de janvier devient un mois qui nous blesse tant par ses mauvais souvenirs que par ses blessures si profondes. Plusieurs créateurs ont retracé ce mardi 12 à leur façon en vue de garder la mémoire errante en perpétuelle vie.

Dans un récit écrit sur le vif, Yanick Lahens,  prix Femina 2014, nous met en présence de ces failles qui ont entravé nos espoirs. Failles a été publié par les Éditions Sabine Wespieser en 2010. Il raconte les souvenirs douloureux et les nuits blanches dans la capitale d’Haïti, Port-au-Prince, au moment du drame. La situation de ces voisins dans le quartier de Pétion-Ville. De temps à autre, il y a une dernière nouvelle qui arrive et qui vient remplacer l’ancienne. Des gens qu’on connaissait très bien sont restés coincés sous les décombres, font corps avec les gravats.

Entre témoignages et réflexions, Yanick Lahens décrit le chaos qui suit les trente-cinq secondes fatales. Failles, récit émouvant de la société haïtienne qui reflète la misère, la violence et aussi les élans de solidarité dégagés par les membres de la population. « Haïti, Haïti, comment va ta douleur » ? « Haïti, Haïti, comment va ta douleur ? » Cette question a été posée par l’écrivain Émile Ollivier au moment où il souffrait encore dans son exil à Montréal. Et Yanick revient à cette interrogation pour exprimer son inquiétude, son désarroi devant le désastre.

Cinq ans après, la question se pose encore. Personne ne peut y répondre tellement les blessures et les plaies sont profondes. Et loin d’être guéries et cicatrisées. Depuis le jour de la « chose », on parle de la reconstruction et, cinq ans après, on en parle encore aujourd’hui. Comme si on était toujours dans un rêve et qu’on a du mal à se réveiller. C’est pour dire que la reconstruction n’est pas pour aujourd’hui. Ni pour demain. Vu notre situation politique, sociale et économique qui se dégrade de jour en jour. Il y a tant de failles dans notre mémoire que dans nos relations les uns avec les autres.

Failles est un récit qui nous met non seulement en présence des faits du séisme, mais aussi de l’après, c’est-à-dire les mois après qui ont suivi. Un livre sorti des débris, des abysses de la terre. Yanick Lahens.

Mirline Pierre


Kettly Mars est Aux frontières de la soif

Aux frontières de la soif a été publié en mai 2012 sous les presses de l’Imprimeur S.A. en Haïti. Il est réédité l’année suivante par les éditions Mercure de France à Paris. L’ouvrage a bénéficié d’une bourse de la société du Rhum Barbancourt pour son achèvement.

L’histoire se situe autour de janvier 2011, juste une année après la terrible catastrophe qui a décimé la population haïtienne. Et le pays reste dans une stabilité figée : la reconstruction, la bidonvilisation éclatée au bas de chaque carrefour ou des terrains vides, les gens sous les tentes, les décombres sur les trottoirs, les piles de gravats dans les rues, tout cela constitue le décor de la ville. En effet, la politique de la reconstruction et de la décentralisation va au ralenti.

Le personnage principal du roman, Fito Belmar, architecte-urbaniste et ancien écrivain à succès, est responsable de projets pour le compte d’une organisation non gouvernementale. Il doit construire des logements pour les rescapés du 12 janvier à Canaan. Une fois dans ce lieu, perdu et ravagé par la misère, la famine et la prostitution, Fito a une autre préoccupation. Il est pris dans le filet d’un réseau de prostitution où des petites de 11 à 13 ans offrent leur corps à cœur joie pour étancher leur soif. Hanté par ce lieu de plaisir, il peut s’en passer. Entre-temps, il fait la rencontre de Tatsumi, une journaliste japonaise. Cette dernière est venue en Haïti pour faire un reportage sur le tremblement de terre. Ils tombent amoureux l’un de l’autre. Malgré tout, Fito n’arrive pas à oublier les fillettes de Canaan. Il est obsédé. Emprisonné. Entre la belle Tatsumi, son amour pour le jazz et l’écriture. Lequel pourra lui permettre de se sauver de ce lieu ou de s’en racheter ?

Aux frontières de la soif est un roman qui s’inscrit dans une perspective de rappel non seulement des douleurs et des blessures de la catastrophe et des séquelles qu’elle a laissées, mais c’est aussi un livre qui dénonce les actes de prostitution et de pédophilie. Deux fléaux qui portent atteinte aux bonnes mœurs et corrompent notre société.

De plus, c’est un cri de révolte de l’auteure comme mère de famille contre les abus faits aux petites filles. Le roman met à nu la situation chaotique et pourrie d’une Haïti en état de choc mais qui ne s’incline pas devant le malheur. Une étincelle d’espoir brille tout de même aux portes de la nuit.

Mirline Pierre


« Zoune chez sa ninnaine » de Justin Lhérisson

Justin Lhérisson (1873-1907) est un auteur assez original. Pour deux raisons particulières. Primo, pour les thématiques abordées dans ses œuvres et, secundo, pour la technique de composition de ses textes. On pourrait aussi ajouter pour sa façon de traiter des sujets sérieux sans pour autant tomber dans la banalité. En témoignent les deux audiences qu’il nous a laissées : La famille des Pitite-Caille et Zoune chez sa ninnaine.

En effet, le dernier récit de Lhérisson, Zoune chez sa ninnaine», publié pour la première fois en 1906 et repris en 2013 par Jebca Éditions, est une œuvre qui met en relief les travers de la société haïtienne de l’époque de l’auteur. Des mœurs de chez nous. Le récit porte sur la domesticité. Un phénomène qui, jusqu’à présent, ronge la société haïtienne du XXIe siècle. Autrement dit, Zoune chez sa ninnaine est un livre qui a marqué le temps. C’est un livre d’actualité et non d’époque. L’histoire nous est rapportée par Golimin, l’homme le plus expérimenté de la République. Elle se passe en 1818.

Nous sommes sous le règne de Jean-Pierre Boyer. L’époque des baïonnettes, dit Justin Lhérisson. Zoune, de son vrai nom Zétrenne, est confiée à sa marraine, madame Florida Boyotte, pour échapper à la misère qui frappe la localité de « Pays Pourri », son lieu d’origine. Une zone très reculée de la commune de la Croix-des-Bouquets. Elle n’a que 10 ans à son arrivée en ville. À 16 ans, la voilà devenue une jeune femme qui attire les regards. Elle est convoitée par tous les hommes de son quartier; y compris le colonel Cadet Jacques, l’homme de sa marraine. Celui-ci est incapable de résister à ses charmes. Après l’avoir harcelée et agressée en maintes occasions, il a essayé de la violer. Prise de panique et d’une crise de jalousie, madame Boyotte expulse sa filleule de chez elle.

Zoune chez sa ninnaine est un récit plein d’humour et de sérieux. et d’ironie. Si Justin Lhérisson utilise le rire comme l’a fait Molière trois siècles avant lui, ce n’est que pour porter le lecteur à réfléchir et à corriger ses mœurs.

Justin Lhérisson, Zoune chez sa ninnaine, Jebca Éditions, 2013, 154 pages.

Mirline Pierre


Le chant des blessures : jusqu’au bout de l’incertitude

Vient de paraître chez Legs Édition, dans sa collection Textes courts, Le chant des blessures, un roman palpitant et bouleversant de la jeune Sybille Claude. D’une écriture lumineuse, jazzée, ce livre raconte sur un ton mélancolique le destin fatal d’une famille impuissante et incapable de faire face à la machine infernale d’une société qui broie ses propres fils. Un roman sur les malheurs des uns et ce qui fait le bonheur des autres.

Le Chant des blessures narre les événements malheureux qui hantent la vie de la jeune Sarah Aurore Barreau, fille lucide, animée et imprégnée du désir de vivre et d’habiter sa terre. Pauvre petite fille, elle ne savait pas que le droit de vivre et d’espérer n’est pas l’affaire de tous dans ce pays où la violence et le banditisme donnent le ton, où la corruption et l’incompétence font la loi.

Port-au-Prince, cinq avril. Nous sommes à l’heure de l’opération Bagdad. Dans cette capitale où la violence « fait salle comble » (p. 62), tout le monde est sur le qui-vive. Les hors-la-loi ne chôment pas. Ils ont droit de vie et de mort sur tout ce qui bouge. André Barreau, poète et père de famille très soucieux de ses arrières, vient d’être assassiné de cinq balles à la tête. Coup dur pour Sarah et le reste de la famille qui sombrent dans la désolation à l’annonce de cette triste nouvelle. Déboussolé, désemparé, le fils décide de prendre la mer, comme ces désespérés qui partent sur des embarcations de fortune vers d’autres cieux. Mais, il n’aura pas le temps de voir la terre promise. La mer a eu raison de lui. Terrassée, la mère perd ses sens jusqu’à mourir « à petit feu d’une cuisante tristesse » (p. 38).

 Entre chant de révolte, cri de détresse et hymne à l’espoir, Le Chant des blessures est un roman plein d’émotions et de rêves.

Née à Port-au-Prince en 1990, Sybille Claude est une jeune plume qui promet déjà beaucoup. Avec Le Chant des blessures, son tout premier roman, elle a eu le pari de nous offrir un bon plat chaud.

Jean Watson Charles


Langues, littératures et cultures dans la caraïbe

Vient de paraître chez LEGS ÉDITION, avec le support de l’Institution Éducative Notre Dame (INEND) et Carrol F. Coates, professeur émérite de Binghamton University, le neuvième numéro de la revue Legs et Littérature consacré à la thématique « Langues, Littératures et Cultures de la Caraïbe ». Avec la participation d’une vingtaine de contributeurs, la plupart des chercheurs d’horizons divers, ce nouveau numéro aborde de manière transversale de grandes questions liées à l’espace caribéen entre autres l’art, la langue, la littérature, l’histoire, la politique. Il sera disponible en Haïti à l’occasion de la 23ème édition de Livres en folie, les 15 et 16 juin 2017.

Extrait de l’éditorial :

Outre le passé colonial et esclavagiste qui est l’une des spécificités de la région, c’est aussi « une zone géopolitique où les violences politiques sont multiples et ce quelle que soit la nature politique des régimes en vigueur[1] ». Autrement dit, elle constitue un lieu d’instabilité miné par les tensions et les luttes politiques pour/dans l’exercice du pouvoir, la misère chronique due à une économie exsangue, un environnement ravagé par les cyclones et les catastrophes naturelles.

[…] « Espace tropical situé à la confluence de l’Amérique[2] », né du métissage, la Caraïbe, pour reprendre une expression de Romain Cruse est « un territoire à géométrie variable[3] » si l’on tient compte de l’ensemble des paradoxes entourant l’espace au regard des représentations qui en découlent. Claudy Delné suggère de « l’appréhender en tant que conscience insaisissable » vu toute la complexité de parler de « l’existence certaine d’une véritable communauté caribéenne » tel que le souligne Michel Giraud[4],  mais de « se concentrer sur le patrimoine commun » entre autres la créolisation perçue selon Giraud comme un processus de fabrication culturelle[5]. Ce qui donne raison à Delné d’affirmer que « la Caraïbe est un humanisme ». Dans son article, Audrey Debibakas évoque la Caraïbe sous la notion d’archipel dans la mesure où il s’agit d’une « unité diffractée sous forme de traces, de pulsions et d’élans mais qui se traduit aussi et essentiellement et par la présence douloureuse du manque ». Aussi parler de ce bloc revient-il à soulever la question de la mémoire (collective), le déplacement et la dispersion puisque la population caribéenne est composée de toutes ces ethnies ayant « vécu une brutale rupture de filiation avec leur terre matricielle. Le lieu n’est donc dans ce contexte jamais acquis et habité. On est face à une perpétuelle ‘‘recherche du lieu’’ ».

[…] Loin la prétention d’avoir tout évoqué au sujet de ce bloc complexe et métissé qu’est la Caraïbe, ce numéro apporte un grand éclairage avec des voix et des regards multiples sur ces sociétés ayant « donnée naissance à des modes de vie originaux, dont les arts et la littérature témoignent[6] ».

[1] Laurent Jalabert, « Les violences politiques dans les États de la Caraïbe insulaire (1945 à nos jours) », Amnis, 3, 2003. https://amnis.revues.org/484. Consulté le 9 mai 2017.

[2] Eric Dubesset, « Penser autrement l’identité régionale caribéenne », Études caribéennes, no 21, avril 2012. https://etudescaribeennes.revues.org/5739. Consulté le 9 mai 2017.

[3] Romain Cruse, « La Caraïbe, un territoire à géométrie variable », Visionscarto, 23 novembre 2013, https://blog.mondediplo.net/2012-11-23-La-Caraibe-un-territoire-a-geometrie-variable. Consulté le 7 mai 2017.

[4] Michel Giraud, « Faire la Caraïbe, comme on refait le monde », Pouvoirs dans la Caraïbe, 14, 2004, https://plc.revues.org/252. Consulté le 9 mai 2017.

[5] Ibid.

[6] Dominique Chancé, Histoires des littératures antillaises, Paris, Ellipses, 2005, p. 6.


Une matinée à la bibliothèque du Congrès

Nous sommes au total huit journalistes culturels haïtiens participant à une tournée de formation, d’échanges et de découvertes à Washington dans le district de Columbia. Organisée par La Voix de l’Amérique avec le soutien financier de l’ambassade des États-Unis en Haïti, cette tournée se veut d’un intérêt capital. Rencontres, visites guidées dans des musées, discussions et déjeuners avec des personnalités importantes sont entre autres quelques points du programme. En ce mardi matin, nous avions effectué une petite excursion qui nous a conduits à la Bibliothèque du Congrès.

Les responsables de cette tournée de découvertes sont conscients du rôle des livres, de la lecture dans la formation du journaliste. Ce dernier est non seulement un historien du présent (il informe le public sur le quotidien), mais c’est aussi un historien du passé (il est là pour éclairer le public sur les événements produits dans le passé). Il participe en ce sens à la sauvegarde de la mémoire. D’où il se doit de développer un rapport avec les bibliothèques.

Située dans la partie sud-est de la première rue de Washington, la Bibliothèque du Congrès est l’une des plus grandes bibliothèques mondiales. Elle comprend trois grands bâtiments (le Thomas Jefferson Building, le John Adams Building et le James Madison Memorial Building) qui comptent plus de trois milliards de documents de toutes les disciplines. Des sciences humaines notamment. Elle dispose aussi d’un packard Campus pour la conversation audiovisuelle.

Créée par l’ancien président américain Joe Adams en 1800, elle est présidée depuis juillet 2015 par l’afro-américaine Carla Hayden. C’est la première femme noire à diriger cette prestigieuse institution. La Bibliothèque du Congrès est l’une des institutions fédérales des États-Unis d’Amérique.

Ce matin, nous étions plus précisément dans le building Thomas Jefferson, accompagnés du chargé des affaires publiques de l’ambassade des États-Unis en Haïti, Indran Amirthanayagam. Patrick, le guide, nous avait aussi tenu compagnie. Cette matinée s’est déroulée dans une ambiance amicale, joviale. Nous avions d’abord visité le building Thomas Jefferson, le coin hispanique et de l’Amérique latine. Des documents en langues espagnole, anglaise sont rangés sur des étagères, dans des espaces semblables à de petites grottes. Le calme, le silence règnent en maître. La visite s’est terminée devant la bible de Gutenberg, exposée dans le hall du dernier building, le James Madison Memorial Building, qui donne une vue plongeante de l’espace dont le toit est en forme de dôme.

Mirline PIERRE