Mirline PIERRE

Des chaussures rouges pour les enfants

Écrire pour les enfants n’a jamais été une tâche facile. Il est dejà si difficile de dire à première vue où commence et où finit la littérature pour enfants. Ce qui plairait à ces derniers et ce qui ne le ferait pas. Ce qui nous pousse à croire qu’il n’y a pas vraiment de frontière étanche entre la littérature pour enfants et ce qu’on appelle littérature pour adultes, car la littérature, pour paraphraser Danièle Salnave, n’a d’autre fonction que de « nous aider à vivre ».

Si, au départ, « les plus grands classiques de la littérature pour enfants ont d’abord été les classiques du peuple » , rien que parce que le conte populaire contient une sagesse et le merveilleux a ce pouvoir d’émouvoir et de plaire à l’enfant, cette politique ou pratique a plus ou moins changé de nos jours. Dans le temps, « Les parents ont donné à lire à leurs enfants ce qui les avait le plus charmés et qui, par ailleurs, leur semblait, à tort ou à raison (à raison le plus souvent) approprié à leur jeune âge ».

Plus d’un se demande aujourd’hui à quoi on reconnaît un livre de jeunesse ? Au merveilleux ? Aux histoires qu’il raconte ou aux catégories d’âge ? Des questions les unes plus complexes que les autres. D’où la littérature jeunesse est un lieu de paradoxes. Difficile à cerner. Cependant, ce qui fait l’essentiel de toute cette littérature, c’est de demander à l’enfant « d’apprendre à aimer lire après avoir appris à lire ».

Les petites chaussures rouges et autres histoires de Taïna Tranquille recréent le monde des enfants en les invitant à vivre dans l’univers de la lecture. C’est le message de l’auteur : Donnons des livres aux enfants pour espérer rêver d’un monde meilleur, d’une autre société et d’un autre type d’homme. Les livres, écrit Patrick Ben Soussan, sont des marches qui aident les enfants à voir plus haut et plus loin .

Mirline Pierre


Appel à contributions

La revue Legs et Littérature lance un appel à contributions pour son 8e numéro, consacré à la romancière Marie Vieux-Chauvet, à paraître en septembre 2016 avec le support de la Fondation connaissance et liberté (Fokal).

Marie Vieux-Chauvet dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance est une romancière atypique dans toute l’histoire de la littérature haïtienne. Femme libérée, engagée, révoltée contre son milieu et tous les régimes politiques qu’elle a connus, écrivain controversé, contesté, Marie Vieux-Chauvet reste aujourd’hui la femme-écrivain d’Haïti qui soulève le plus de débat et de polémiques. Auteur de la célèbre trilogie Amour, Colère et Folie publiée chez Gallimard en 1968, rapidement retirée de la circulation par la famille par crainte des représailles de Papa Doc, elle mènera une vie  d’exilée entre New York et Paris.

L’œuvre de Marie Vieux-Chauvet (roman, théâtre, nouvelle) a longtemps été indisponible, quoique certains de ses romans comme Les Rapaces aient reçu des prix littéraires, soient étudiés dans des universités aux États-Unis à l’étranger.

Ce numéro spécial de la revue Legs et Littérature se donne pour mission de poser les grandes questions jusque-là non abordées autour de la vie et l’œuvre de Marie Vieux-Chauvet, mais aussi de proposer des grilles de lecture en profondeur de ses romans, nouvelles et pièces de théâtre. Il fera également intervenir les critiques littéraires qui travaillent sur l’auteur ainsi que certains de ses proches.

Une prime financière sera émise aux contributeurs de textes critiques, de notes et d’entrevues, et un exemplaire de la revue sera remis à tous les contributeurs sans distinction, grâce au support de la FOKAL.

Envoyez vos propositions avant le 25 juillet 2016 à legsetlitterature@venez.fr


Indran AMIRTHANAYAGAM à la Filha

Le poète américain d’origine sri-lankaise Indran Amirthanayagam a signé son premier recueil de poèmes français paru chez LEGS ÉDITION à la deuxième édition de la Foire internationale du livre d’Haïti (Filha) au palais municipal de Delmas. Auteur d’environ une dizaine de recueils de poèmes publiés en anglais, espagnol, tamoul, il est aussi essayiste et traducteur. Nombre de ses poèmes sont publiés dans des anthologies entre autres The United States of Poetry, The Nuyorasian Anthology, Black Lightning, Living in America, Indivisible, et dans des revues dont The Kenyan Review, The Massachusetts Review.

Lauréat du prix de poésie Paterson en 1994 pour The Elephants Of Reckoning et récipiendaire du prix de los Juegos Florales de Guaymas, Mexico, en 2006 pour son poème Juarez, Amirthanayagam est aussi diplomate. Il a vécu au Canada, en Inde, au Mexique, en Argentine, en Belgique, au Pérou et en Haiti, en plus des États-Unis. La poésie d’Indran Amirthanayagam évoque à la fois un univers intimiste et collectif. Un discours articulé sous la forme d’une tension, de regrets et de plaintes affectives qui se dégagent dans les vers trempés de saignement et de sanglots devant le désastre de la guerre civile, et de « [la] blessure permanente qui renforce les conflits et les fait perdurer au long des générations ».

À signaler que M. Amirthanayagam n’était pas le seul écrivain américain à prendre part à cet événement qui se bat pour s’implanter dans le paysage du livre en Haïti. Le poète américain d’origine trinidadienne Mervyn Taylor y a participé également. Mis à part les ateliers d’écriture qu’il a animés et des conférences qu’il a prononcées, il a aussi donné des lectures de ses poèmes en la résidence de son ami poète Indran Amirthanayagam et à la foire le vendredi 12 décembre 2014.

Dieulermesson PETIT FRERE


La ferme des animaux de George Orwell

La ferme des animaux est un récit ou une fable de 150 pages. Il a été publié pour la première fois en 1945 sous le titre original Animal farm. Réédité et traduit en 1947 par les Editons O Pathé à Monaco sous le titre de Les animaux partout. Réédité une nouvelle fois  par les éditions Gallimard en 1980 sous le titre La république des animaux. Sa dernière édition date de 1981 Chez Champ libre sous le titre de La ferme des animaux. Ce récit est divisé en dix petits chapitres. Georges Orwell dans ce livre   traite avec humour  les idées de lutte contre la tyrannie et l’oppression du pouvoir.

L’histoire se passe dans une ferme en Angleterre où Mr Jones, le propriétaire,  règne avec autorité sur des animaux. Un soir, le plus vieux cochon de la ferme, Sage l’Ancien, réunit tous les animaux et leur révèle son rêve de révolte contre la tyrannie du fermier. Ainsi, la révolution a lieu, et les animaux ont eu une grande victoire en se débarrassant des humains. Les cochons Napoléon et Boule de neige, assistés de Brille-Babil prennent la direction de la ferme. Après avoir élaboré un système philosophique qu’ils désignent du nom de l’Animalisme, ils vont rédiger sept grands principes du nouveau système en vue d’assurer cette liberté nouvelle. En pleine révolution, les cochons dirigeants vont modifier les sept commandements en vue de bénéficier des avantages personnels.  Ainsi, la révolution va porter à confusion parce que les cochons dirigeants vont reproduire les mêmes comportements totalitaires reprochés aux humains.

En fait, La ferme des animaux est une satire de la révolution russe de 1917 et une critique du système communiste. L’auteur de cette fable, Georges Orwell s’est inspiré de son époque pour critiquer les dirigeants du système communiste qui ne fait que reproduire le  pouvoir de l’ancien régime sous une autre forme.

Mirline Pierre


La misère des villes

Mon nom est Nady. Les gens de mon quartier m’appellent Nad. Familiarité oblige. Je ne suis pas née dans cette ville. J’y suis venue par hasard comme beaucoup d’autres. Mes parents, mes grands-parents et mes arrières grands-parents sont aussi des gens de l’autre côté et non d’ici. J’y suis venue à l’âge de quatre ans pour apprendre à faire les premiers pas débouchant sur le chemin de l’école.

J’habitais avec mon père au centre-ville dans une vieille maison à l’avenue de la République. Ma mère avait élu domicile dans un vieux trou noir tout près du marché de la place Carl Brouard. Sage dans son coin mais toujours vivante dans ma pensée. Dans mes gestes. Et aussi dans ma peau. Papa et moi, nous évoquions souvent des souvenirs d’elle. Elle qui fut toute sa vie une mère merveilleuse malgré son caractère dur. Ravissante avec ses cheveux crépus en forme d’élastique. Et ses yeux qui exprimaient les douleurs de la vie et l’espoir du lendemain courbé.

D’après mon père, toute ville a des rues. Et ces rues forment des petites ou des grandes villes. Par rapport à d’autres villes, il est dit que la nôtre est très précaire. C’est un chaos. Une pagaille. Un tohu-bohu. Un espace mal construit habité par des truands. Des incompétents et des pauvres. Des politiciens véreux et des philosophes en marge. D’aucuns soutiennent aussi qu’une ville est synonyme de chez soi. De propreté et de bien-être. La nôtre est le réceptacle de l’insalubrité. Exposée à toutes sortes de dangers. Je l’aime malgré tout. Malgré moi et malgré eux.

J’ai habité cette ville depuis plus de vingt ans. Elle a connu des moments difficiles. De la misère. Des coups d’État sanglants. Des élections frauduleuses. Des prises de pouvoir dans le sang ou sur contrat avec les invisibles. Des attentats. Un matin, je les ai vus incendier ma ville. Je l’ai vue coucher avec des tas de gens et tout ce qu’elle possède ou pas, ce mardi 12. J’ai vu ces gens pleurer sous les décombres.

Impuissante, j‘ai assisté à la mort de tant d’amis et de camarades que j’aimais. Et qui hantent mes rêves tous les soirs. Eux qui voulaient travailler pour changer la face du monde. Emportés pour ne plus revenir. Je sens encore leur présence dans la poussière grise du matin. Hier encore, j’ai assisté à la destruction de cette ville par des bulldozers, des tracteurs, des marteaux-piqueurs. Le mot d’ordre  était : vider les lieux. Tant pis pour nos souvenirs. Merde à nos mémoires.    

https://twitter.com/mondoblog/status/1216404471846227969

On dit qu’elle n’était pas belle. Non pas belle. Mais je l’aimais quand même. Parce qu’elle est mienne. Je la sens encore dans l’air que je respire. Dans le vent qui flotte au loin. Dans les yeux de chacun des résidents qui habitent ce lieu de désespoir.

Ma grand-mère répétait souvent que la vie était difficile mais il y avait à manger pour tout le monde.

Ma grand-mère Tata me raconta qu’en son temps, la ville était propre. Même si on vivait dans la peur. À cause des hommes qui portaient les lunettes noires. Elle m’a souvent conté l’histoire de cette prison située non loin du littoral où l’on emmenait les kamoken purgé leur insolence à l’endroit du chef suprême. N’est-il pas dit qu’un matin, on y a emmené Compère Soleil et qu’il n’est pas revenu ?

Mon grand-père y a laissé sa peau. Grand-mère l’évoquait toujours avec des grains de douleur dans sa voix. Elle croyait en la justice de Dieu qui est parfois trop lente. Mais elle attendait quand même. Malgré, toutes ses douleurs à répétition, elle aime cette ville du temps longtemps. Elle répétait souvent que la vie était difficile mais il y avait à manger pour tout le monde.

J’avais quatre ans quand mon père s’est décidé à m’envoyer à l’école. À quelques mètres de la maison. Il suffisait de faire un saut pour y arriver. C’est là que j’ai appris à lire et à écrire les mots qui ont toujours déclenché la peur chez moi. Coup d’État, dictature, dechoukaj, tremblement de terre. Ces mots qui ont causé tant de maux à cette ville. Que de misères et de morts dans ma ville !

Mirline PIERRE